Une pensée en passant: l'IA & nous
Imagine tu te demandes à quelle sauce on va te manger, alors que c'est toi-même qui fait la sauce.
Arnaud
3/25/20253 min read


Discussion hier au Grand Collectif, sur la question de l'IA. Entre les guerres et le climat, c'est l'un des soucis du moment, un des éléments qui fait que notre horizon est en pointillé.
Utiliser ChatGPT ou non pour synthétiser des documents, telle était la question. Mais elle vaut pour tout : synthétiser une masse de documents, écrire un mail un peu formel à la copro, étoffer une lettre d'amour de quelque emphase...
Certains, certaines d'entre nous ont le sentiment que ce truc artificiel nous rend fainéants. Avis que je partage tout à fait, et même plus : il peut nous conduire à nous sentir illégitimes dans la formulation de nos pensées. Je me dis que ce doit être extrêmement compliqué en ce moment d'être étudiant. Il y a ces chatbots (on ne prononce pas "chat beau", mais "tchate botte", juste au cas où) qui, quelle que soit votre spécialité, a de grandes chances de faire mieux en a peu près 100 fois moins de temps, pour peu qu'il soit bien guidé. Il faut une certaine force de caractère pour continuer d'apprendre et d'écrire.
Ou pas : au milieu des années 90, Kasparov, champion du monde incontesté d'échecs, a perdu contre Deep Blue, un ordinateur. C'était une grande surprise à l'époque. Aujourd'hui, n'importe quel téléphone ne lui laisserait pas la moindre chance. Pourtant, nous continuons de jouer aux échecs, et les ordinateurs sont d'excellents partenaires d'entraînement. Deep Blue et ses successeurs ont peut-être remis l'humain en place : nous ne sommes pas si géniaux après tout.
Il y aurait donc un espoir : qu'il advienne la même chose dans les domaines de l'IA. Reprenons l'exemple de la culture, de l'art, des dossiers de subvention et des appels à projet : il y aurait moins d'espaces pour la rhétorique. À ce jour, c'est elle en grande partie qui distingue les personnes entre elles: celles qui ont étudié, celles qui ont les références, le bagage culturel... En fait, à ce jour vous avez plus de chances d'être artiste pro si vous avez étudié l'administration que si vous avez maîtrisez une discipline artistique à la perfection. ChatGPT peut éliminer cette distinction.
Mais l'inverse fonctionne aussi : armé de son IA, bientôt le moindre téléphone pourra faire mieux que le meilleur des appareils photo. L'IA lisse déjà les peaux, améliore la lumière, se concentre sur les sourires, change le ciel... Bientôt elle pourra certainement proposer d'autres angles de prise de vue à partir d'une photo, ou les conseiller dès la prise de vue. L'IA dessine ou dessinera mieux que les dessinateurs et dessinatrices, composera mieux que les compositeurs et compositrices, écrira mieux que les écrivains et écrivaines... On est dans la merde.
Ou pas : comme des joueurs et joueuses d'échecs, nous continuerons à créer.
Et à vrai dire : il y a quelque chose qui me plaît là-dedans. La belle image comptera moins car trop commune, que ce soit en film, dessin ou photo. La phrase de Victor Hugo n'aura jamais été aussi vraie : « L'art n'est pas dans le beau, il est dans le caractéristique » (vague souvenir de première année de DEUG de lettres modernes, par réussi à retrouver la source, déso).
C'est le processus de création qui devient important, il n'y a plus que ça à vrai dire. Quand et pourquoi nous créons, qu'est-ce ce qui nous anime à ce moment précis et pourquoi. L'art devient le moment de création plus que l’œuvre elle-même.
L'idée de rentabilité de la création, d'efficacité dans la gestion du temps, et même de prouesse technique vont peut-être bien disparaître. Soit.
L'enjeu demeurera de conserver un esprit critique, une envie de créer. Car de cela, l'IA pourrait nous priver et nous deviendrions comme les personnages de Wall-E dans leur fauteuil. De quoi le futur sera fait ? Où l'IA nous mènera ? Où la mènerons-nous ?
Entre le premier vol d'un avion en 1903 et le premier alunissage en 1969, il n'y a que 66 ans. ChatGPT a été lancé en 2022. On peut le considérer comme ce premier avion qui avait parcouru 284 mètres en 59 secondes.
Où en serons-nous en 2088 ? Il faudrait que je vive jusqu'à 104 ans pour le savoir, c'est pas gagné.